En quoi une formation en droit est-elle utile en traduction juridique?
- François Champagne
- Juridique, Traduction, Domaines de spécialité
Ce n’est pas dire qu’une personne non juriste ne peut pas, avec le temps et le travail, exceller en la matière – j’en ai côtoyé plusieurs qui entrent dans cette catégorie – mais les juristes aptes à la traduction ont sans contredit une nette longueur d’avance.
Dans ce billet, je vais tenter d’illustrer le pourquoi de la chose, pour ensuite vous donner quelques conseils.
« Il fallait le savoir »
Il y a plusieurs années, quand je commençais mes études en traduction, quelques collègues et moi traduisions le même texte dans le cadre d’un exercice individuel. Ce n’était pas un texte spécialisé, mais bien une histoire courte. Après un certain temps, nous sommes tombés sur l’adjectif « frostian ».
Haussements de sourcils.
Certains, à défaut de pouvoir utiliser leur cellulaire ou consulter quelqu’un, l’ont rendu par « gelé » ou « glacé ». Pour ma part, j’ai la chance d’avoir eu d’excellents profs d’anglais enrichi au secondaire. J’étais donc parmi celles et ceux qui ont compris la référence.
La traduction juridique, ça fonctionne souvent comme ça. Il y a des choses qu’il faut savoir, sinon on se trompe. En lisant « confidential information », il faut savoir que le corpus législatif en la matière utilise « renseignement confidentiel », et non « information confidentielle ». Quand on voit « société en nom collectif » comme équivalent pour « partnership » sur Termium, il faut savoir que c’est faux; le Code civil du Québec et la doctrine québécoise enseignent que « partnership » (« société de personnes ») est un générique, et que « société en nom collectif » (« general partnership ») est un spécifique.
Ces exemples sont simples, mais ils illustrent bien le fait que, souvent, il ne s’agit pas simplement de traduire avec adresse, mais bien d’avoir les bons réflexes. Certains termes, certaines formulations doivent sonner une cloche chez nous, et les juristes qui se réorientent en traduction ont d’emblée cet avantage.
À quoi ça sert?
Un autre avantage d’avoir une formation en droit est, pour l’exprimer simplement, de savoir à quoi servent divers types de textes. Par exemple, ayant moi-même dressé des actes de vente, des testaments et des conventions entre actionnaires, je sais à quoi devraient ressembler ces textes sur le plan de la forme et du fond. Je sais à quoi devraient en ressembler les clauses, ce qu’elles cherchent à produire et à éviter. Par conséquent, en cas d’erreur ou d’omission de la part du rédacteur, je suis capable de détecter le problème et d’y remédier, plutôt que simplement traduire le tout tel quel (comme le ferait l’IA, d’ailleurs), ce qui représente une valeur ajoutée considérable pour ma clientèle. D’ailleurs, plusieurs clients font exclusivement affaire avec des juristes pour cette raison. C’est un gage de qualité.
Par où commencer?
Pour les non-juristes qui veulent se spécialiser en traduction juridique :
· Le baccalauréat en droit. C’est la meilleure formation qui soit en la matière, la plus exhaustive. Cela dit, il s’agit évidemment d’un investissement considérable, et il existe d’autres avenues. En voici quelques-unes.
· Les diplômes de deuxième cycle. Les jurilinguistes et traductrices et traducteurs juridiques étant en forte demande, les universités commencent à se doter de programmes de deuxième cycle. Jetez un œil à celui de McGill, par exemple.
· Le mentorat. Il est également possible de se doter d’une ou d’un mentor d’expérience, qui prodiguera révision, astuces et lectures.
Au final, il faut aussi se rappeler que la traduction juridique est comme n’importe quel autre domaine de spécialité; elle s’apprend, et elle est un apprentissage sans fin. Je ne connais personne, juriste ou non, qui n’a plus rien à apprendre dans le domaine. L’important reste toujours de travailler intelligemment et de s’appliquer.
Si cet exposé vous a plu (ou déplu), restez à l’affût de mon prochain billet, qui sera en quelque sorte l’inverse de celui-ci : En quoi une formation en traduction est-elle utile pour les juristes traducteurs?